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XXXVII.


Mentir ! elle ne pouvait plus que cela. Elle éprouvait comme une impossibilité de se retirer d’où elle était. Elle ne soutenait même pas l’idée d’un effort pour en sortir, tant la tentative lui paraissait inutile, tant elle se trouvait lâche, abîmée et vaincue, tant elle se sentait encore toute nouée à cet homme par toutes sortes de chaînes basses et de liens dégradants, jusque par le mépris qu’il ne lui cachait plus !

Quelquefois, en réfléchissant sur elle-même, elle était effrayée. Des idées, des peurs de village lui revenaient. Et ses superstitions de jeunesse lui disaient tout bas que cet homme lui avait jeté un sort, que peut-être il lui avait fait manger du pain à chanter. Et sans cela, aurait-elle été comme elle était ? Aurait-elle eu, rien qu’à le voir, cette émotion de tout l’être, cette sensation presque animale de l’approche d’un maître ? Aurait-elle senti tout son corps, sa bouche, ses bras, l’amour et la caresse de ses gestes aller involontairement à lui ? Lui aurait-elle appartenu ainsi tout entière ? Longuement et amèrement, elle se rappelait à elle-même tout ce qui aurait dû la guérir, la sauver, les dédains de cet homme, ses injures, la corruption