Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/207

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la vie. Elle vivait dans cette lâche inquiétude où l’imprévu est redouté comme une calamité qui va entrer, où un coup de sonnette fait peur, où on retourne une lettre, en en pesant l’inconnu, sans oser l’ouvrir, où la nouvelle qu’on va vous dire, la bouche qui s’ouvre pour vous parler, vous fait passer une sueur sur les tempes. Elle en était à cet état de défiance, de tressaillement, de tremblement devant la destinée, où le malheur ne voit que le malheur, et où l’on voudrait arrêter sa vie pour qu’elle ne marche plus et qu’elle n’aille pas devant elle, là où la poussent tous les vœux et toutes les attentes des autres.

À la fin, elle arrivait par les larmes à ce dédain suprême, à ce faîte de la souffrance, où l’excès de la douleur semble une ironie, le chagrin, dépassant la mesure des forces de l’être humain, dépasse sa sensibilité, et où le cœur frappé et qui ne sent plus les coups, dit au ciel qu’il défie : Encore !


XLVIII.


— Où vas-tu comme ça ? dit un dimanche matin Germinie à Adèle qui passait en grande toilette dans le corridor du sixième, devant la porte de sa chambre ouverte.

— Ah ! voilà ! je vais à une fière noce, va ! Nous