Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/229

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roitement d’une rivière, son reflet sur le sol mouillé ; quand les pavés, les trottoirs, la terre, semblaient disparaître et mollir sous la pluie, et que rien ne paraissait plus solide dans la nuit noyée, la pauvre misérable, presque folle de fatigue, croyait voir se gonfler un déluge dans le ruisseau. Un mirage d’épouvante lui montrait tout à coup de l’eau tout autour d’elle, de l’eau qui marchait, de l’eau qui s’approchait de partout. Elle fermait les yeux, n’osait plus bouger, craignait de sentir son pas glisser sous elle, se mettait à pleurer, et pleurait jusqu’à ce que quelqu’un passât et voulût bien lui donner le bras jusqu’à l’Hôtel de la petite main bleue.


LII.


Elle montait alors dans l’escalier, c’était son dernier refuge. Elle s’y sauvait de la pluie, de la neige, du froid, de la peur, du désespoir, de la fatigue. Elle montait et s’asseyait sur une marche contre la porte fermée de Gautruche, serrait son châle et sa jupe pour laisser passage aux allants et venants le long de cette raide échelle, ramassait sa personne et se rencognait pour rapetisser sur l’étroit palier la place de sa honte.

Des portes ouvertes, sortait et se répandait sur l’escalier l’odeur des cabinets sans air, des