Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/58

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de paroles caressantes, et dont elle sortait rafraîchie, légère, délivrée, heureuse, avec le chatouillement et le soulagement d’un pansement dans toutes les parties tendres, douloureuses et comprimées de son être.

Elle ne s’ouvrait et ne pouvait s’ouvrir que là. Sa maîtresse avait une certaine rudesse masculine qui repoussait l’expansion. Elle avait des brusqueries d’apostrophes et de phrases qui renfonçaient ce que Germinie eût voulu lui confier. Il était dans sa nature d’être brutale à toutes les jérémiades qui ne venaient point d’un mal ou d’un chagrin. Sa bonté virile n’était point miséricordieuse aux malaises de l’imagination, à ces tourments que se crée la pensée, à ces ennuis qui s’élèvent des nerfs de la femme et des troubles de son organisme. Souvent Germinie la trouvait insensible : la vieille femme avait été seulement bronzée par son temps et par son existence. Elle avait l’écorce du cœur dure comme le corps. Ne se plaignant jamais, elle n’aimait pas les plaintes autour d’elle. Et du droit de toutes les larmes qu’elle n’avait pas versées, elle détestait les pleurs d’enfant chez les grandes personnes.

Bientôt le confessionnal fut comme un lieu de rendez-vous adorable et sacré pour la pensée de Germinie. Il eut tous les jours sa première idée, sa dernière prière. Dans la journée, elle s’y agenouillait comme en songe ; et tout en travaillant il lui revenait dans les yeux avec son bois de chêne à filets d’or, son fronton à tête d’ange ailée, son ri-