Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/60

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choses délicates et secrètes de son être comme on en parlerait à une mère et à un médecin.

Ce prêtre était jeune. Il était bon. Il avait vécu de la vie du monde. Un grand chagrin l’avait jeté, brisé, dans cette robe où il portait le deuil de son cœur. Il restait de l’homme au fond de lui, et il écoutait, avec une pitié triste, ce malheureux cœur d’une bonne. Il comprenait que Germinie avait besoin de lui, qu’il la soutenait, qu’il l’affermissait, qu’il la sauvait d’elle-même et la retirait des tentations de sa nature. Il se sentait une mélancolique sympathie pour cette âme toute faite de tendresse, pour cette jeune fille à la fois ardente et molle, pour cette malheureuse, inconsciente d’elle-même, promise à la passion par tout son cœur, par tout son corps, et accusant dans toute sa personne la vocation du tempérament. Éclairé par l’expérience de son passé, il s’étonnait, il s’effrayait quelquefois des lueurs qui se levaient d’elle, de la flamme qui passait dans ses yeux à l’élancement d’amour d’une prière, de la pente où ses confessions glissaient, de ses retours vers cette scène de violence, cette scène où sa très-sincère volonté de résistance paraissait au prêtre avoir été trahie par un étourdissement des sens plus fort qu’elle.

Cette fièvre de religion dura plusieurs années pendant lesquelles Germinie vécut concentrée, silencieuse, rayonnante, toute à Dieu, — au moins elle le croyait. Cependant peu à peu son confesseur avait cru s’apercevoir que toutes ses adorations se