Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/65

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elle laissait jouer et rondir sa taille indolente, une taille à tenir dans une jarretière et que faisaient plus fine encore à l’œil le ressaut des hanches et le rebondissement des rondeurs ballonnant la robe, une taille impossible, ridicule de minceur, adorable comme tout ce qui, chez la femme, a la monstruosité de la petitesse.

De cette femme laide, s’échappait une âpre et mystérieuse séduction. L’ombre et la lumière, se heurtant et se brisant à son visage plein de creux et de saillies, y mettait ce rayonnement de volupté jeté par un peintre d’amour dans la pochade du portrait de sa maîtresse. Tout en elle, sa bouche, ses yeux, sa laideur même, avait une provocation et une sollicitation. Un charme aphrodisiaque sortait d’elle, qui s’attaquait et s’attachait à l’autre sexe. Elle dégageait le désir et en donnait la commotion. Une tentation sensuelle s’élevait naturellement et involontairement d’elle, de ses gestes, de sa marche, du moindre de ses remuements, de l’air où son corps avait laissé une de ses ondulations. À côté d’elle, on se sentait près d’une de ces créatures troublantes et inquiétantes, brûlantes du mal d’aimer et l’apportant aux autres, dont la figure revient à l’homme aux heures inassouvies, tourmente ses pensées lourdes de midi, hante ses nuits, viole ses songes.

Au milieu de l’examen de Mlle de Varandeuil, Germinie se baissa, se pencha sur elle, et lui embrassa la main à baisers pressés.