Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/66

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— Bon… bon… assez de lichades, dit mademoiselle. Tu vous userais la peau… avec ta façon d’embrasser… Allons, pars, amuse-toi, et tâche de ne pas rentrer trop tard… ne t’éreinte pas.

Mlle de Varandeuil resta seule. Elle mit ses coudes sur ses genoux, regarda dans le feu, donna des coups de pincette sur les tisons. Puis, comme elle avait l’habitude de faire dans ses grandes préoccupations, du plat de sa main elle se frappa sur la nuque deux ou trois petits coups secs qui mirent tout de travers son serre-tête noir.


VI

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En parlant mariage à Germinie, Mlle de Varandeuil touchait la cause du mal de Germinie. Elle mettait la main sur son ennui. L’irrégularité d’humeur de sa bonne, les dégoûts de sa vie, les langueurs, le vide et le mécontentement de son être, venaient de cette maladie que la médecine appelle la mélancolie des vierges. La souffrance de ses vingt-quatre ans était le désir ardent, irrité, poignant du mariage, de cette chose trop saintement honnête pour elle et qui lui semblait impossible devant l’aveu que sa probité de femme voulait faire de sa chute, de son indignité. Des pertes, des malheurs de famille venaient l’arracher à ses idées.