Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/68

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et dans l’air où l’enfant respirait depuis plus d’un mois la mort de sa mère. Le père était parti au pays pour tâcher d’emprunter de l’argent. Il se remariait là-bas. On n’en eut plus de nouvelles.

En sortant de l’enterrement de sa sœur, Germinie courut chez une vieille femme vivant de ces curieuses industries qui empêchent à Paris la Misère de mourir complètement de faim. Cette vieille femme faisait plusieurs métiers. Tantôt elle coupait d’égale grandeur des crins de brosse, tantôt elle séparait des morceaux de pain d’épice. Quand cela chômait, elle faisait la cuisine et débarbouillait les enfants de petits marchands ambulants. Dans le Carême, elle se levait à quatre heures du matin, et allait prendre à Notre-Dame une chaise qu’elle revendait, lorsque le monde arrivait, dix ou douze sous. Pour se chauffer, dans le trou où elle logeait rue Saint-Victor, elle allait, à l’heure où le jour tombe, arracher en se cachant de l’écorce aux arbres du Luxembourg. Germinie, qui la connaissait pour lui donner toutes les semaines les croûtes de la cuisine, lui louait une chambre de domestique dans la maison au sixième, et l’y installait avec la petite fille. Elle fit cela d’un premier mouvement, sans réfléchir. Les duretés de sa sœur, lors de sa grossesse, elle ne se les rappelait plus : elle n’avait pas même eu besoin le les pardonner.

Germinie n’eut plus alors qu’une pensée : sa nièce. Elle voulait la faire revivre, et l’empêcha de mourir à force de la soigner. Elle s’échappait