Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/69

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à tout moment de chez mademoiselle, grimpait quatre à quatre au sixième, courait embrasser l’enfant, lui donner de la tisane, l’arranger dans son lit, la voir, redescendait essoufflée et toute rouge de plaisir. Les soins, les caresses, ce souffle du cœur dont on ranime un petit être prêt à s’éteindre, les consultations, les visites de médecin, les médicamentations coûteuses, les remèdes des riches, Germinie n’épargna rien pour la petite et lui donna tout. Ses gages passaient à cela. Pendant près d’un an, elle lui fit prendre tous les matins du jus de viande : elle qui était dormeuse, se levait à cinq heures du matin pour le faire, et elle se réveillait toute seule, comme les mères. L’enfant était enfin sauvée, quand un matin Germinie reçut la visite de sa sœur la couturière, qui était mariée depuis deux ou trois ans avec un ouvrier mécanicien, et qui venait lui faire ses adieux : son mari suivait des camarades qu’on venait d’embaucher pour aller en Afrique. Elle partait avec lui et proposait à Germinie de lui prendre la petite et de l’emmener là-bas avec son enfant. Ils s’en chargeaient. Germinie n’aurait qu’à payer le voyage. C’était une séparation à laquelle il lui faudrait toujours se résoudre, à cause de sa maîtresse. Puis elle était sa tante aussi. Et elle ajoutait paroles sur paroles pour se faire donner l’enfant avec lequel, elle et son mari, comptaient, une fois en Afrique, apitoyer Germinie, lui attraper ses gages, lui carotter le cœur et la bourse.

Se séparer de sa nièce, cela coûtait beaucoup à