Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/86

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pousser dehors, lui faire prendre un peu d’air, de distraction. Elle ne lui demandait que d’être rentrée à dix heures pour l’aider à se mettre au lit ; et encore quand Germinie se trouvait en retard, mademoiselle se déshabillait et se couchait fort bien toute seule. Toutes ces heures que lui laissait sa maîtresse, Germinie vint les vivre et les passer dans la boutique. Elle descendait maintenant à la crémerie, dès le matin, à l’ouverture des volets que la plupart du temps elle rentrait, prenait son café au lait, restait jusqu’à neuf heures, remontait pour le chocolat de mademoiselle, et du déjeuner au dîner elle trouvait moyen de revenir deux ou trois fois, s’attardant et bavardant dans l’arrière-boutique pour la moindre commission. — Quelle pie borgne tu fais ! lui disait mademoiselle avec une voix qui grognait et un regard qui souriait.

À cinq heures et demie, le petit dîner desservi, elle descendait quatre à quatre les escaliers, s’installait chez la mère Jupillon, y attendait dix heures, regrimpait les cinq étages, et en cinq minutes déshabillait sa maîtresse qui se laissait faire, tout en étant un peu étonnée de la voir si pressée d’aller se coucher : elle se rappelait le temps où Germinie avait la manie de porter son sommeil de fauteuil en fauteuil, et de ne jamais vouloir monter à sa chambre. La bougie soufflée fumait encore sur la table de nuit de mademoiselle que Germinie était déjà chez la crémière, cette fois pour jusqu’à minuit, une heure : elle ne partait souvent que quand