Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

boucherie, je t’ai dit… Ah ! par exemple, il ne faut pas le contrarier !… Quand il vient de boire un verre de sang, après avoir tué ses bêtes, il est comme fou… et si vous l’obstinez… ah ! dame, il cogne !… Mais qu’est-ce que tu veux ? C’est d’être fort qu’il est comme ça… Si tu le voyais se taper sur la poitrine des coups à tuer un bœuf, et vous dire : Ça, c’est un mur !… Ah ! c’est un monsieur, celui-la !… Soignes-y sa lettre, hein ? Que ça l’entortille… Dis-lui des choses gentilles, tu sais… et un peu tristes… Il adore ça… Au spectacle, il n’aime que quand on pleure… Tiens ! mets que c’est toi qui écrives à un amoureux…

Germinie se mit à écrire.

— Dis donc, Germinie ! Tu ne sais pas ? Une drôle d’idée qui a passé par la tête de madame… Est-ce curieux des femmes comme ça, qui peuvent aller dans le plus grand, qui peuvent tout avoir, se payer des rois si ça leur va ! Et il n’y a pas à dire… c’est que quand on est comme madame, quand on a ce corps-là !… Et puis avec des affutiots comme elles s’en mettent tout plein, tout leur tralala de robes, de la dentelle partout, enfin tout, qu’est-ce que tu veux qu’on y résiste ? Et si ce n’est pas un monsieur, si c’est quelqu’un comme nous… juge comme cela le pince encore plus : c’est ça qui lui monte le coco, une femme en velours… Oui, ma chère, figure-toi, v’la t’il pas que madame est toquée de ce gamin de Jupillon ! Il ne nous manquait plus que ça pour crever de faim, ici !