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crémeries, à la devanture de demi-tasses de grosse porcelaine, et au fond desquelles on voit des hommes en blouse attablés. Un marchand de vin dont la lanterne porte, sur un fond bleu, un pierrot en blanc avec au-dessus : Au vrai Pierrot. L’autre côté de la rue fait par un immense mur, semblable à un mur d’une caserne, et dans ce mur, comme percées au hasard, et dues à la fantaisie d’un conseiller Krespel, une multitude de fenêtres, toutes inégales et de formes différentes, fenêtres en feu et paraissant éclairées par un incendie intérieur.

Dans la rue quelques gamins à la tête gouailleuse de blagueurs de paradis, mêlés à de misérables filles qui raccrochent en bonnet et en pèlerine noire jetée sur une robe de coton. Puis, de temps en temps, dans le silence de la rue, le bruit d’une porte à contre-poids qui s’entr’ouvre violemment et donne passage à deux ou trois hommes, coiffés de petits bonnets de toile, traversant au pas de course la chaussée, et entrant chez un marchand de vin.

— Janin nous disait aujourd’hui dans un accès de franchise : « Savez-vous pourquoi j’ai duré vingt ans ?… Parce que j’ai changé tous les quinze jours d’opinion… Si je disais toujours la même chose, il n’y aurait plus d’intérêt, plus de curiosité de mon feuilleton… on me saurait par cœur, avant de me lire. »

— Je lis dans un journal que Valentin, le dessina-