Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/141

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minablement. Un moment, pour aller plus vite et pour dépêcher l’éternel dépiotage, on la pose sur ses pieds, qui cognent comme des pieds au bout de jambes de bois, et l’on voit tournoyer, pirouetter, valser épouvantablement, entre les bras hâtés des aides, ce paquet qui se tient debout : la Mort dans un ballot.

On la recouche et on déroule encore. Les mètres de toile s’entassent, montent en montagnes, couvrent la table de ce linge, au joli ton de safran rouillé, d’une toile qui n’a pas été blanchie, et des senteurs étranges se lèvent, des émanations chaudes et poivrées d’aromates et de myrrhe funéraire : les odeurs de volupté noire du lit de la mort antique.

Enfin, sous le débandelettement, commence à s’esquisser un peu de la forme humaine d’un corps. « Berthelot, Robin, voyez cela ! » crie Mariette, — et d’un canif qui fouille l’aisselle, il fait sortir quelque chose qu’on se passe et qui semble une fleur qui a senti bon : un petit bouquet planté par l’Égypte sous le moite du bras de ses mortes.

Les dernières bandes sont arrachées, la toile est à son dernier bout, et voilà un morceau de chair, il est tout noir, et fait presque un étonnement, tant on s’attendait, sous ce linge si bien conservé, à trouver la vie de la mort et l’éternité du cadavre gardée. Du Camp s’est précipité avec une sorte de frénésie nerveuse au dépouillement du cou et de la tête. Tout à coup, dans le noir du bitume figé au bas du cou, reluit un peu d’or. « Un collier ! » crie quelqu’un. Et avec