Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/160

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cesse le bouton de cuivre, maison toujours mangeante, chantante, recueillant au passage toutes les notoriétés, et toutes les voix jeunes et vieilles : hier les frères Lionnet, aujourd’hui le vieux Tamburini !

Un type, ce C…, l’administrateur moderne, le créateur du jour, l’Haussmann d’ici. Tout dans la main : les eaux, les bains, l’exploitation de toutes les sources du Casino, le théâtre, les concerts, l’imprimerie et le journal, et un monde d’ouvriers, depuis les maçons jusqu’aux cartonniers des boîtes de pastilles, un monde de six cents manœuvres, hommes et femmes. Les paysans l’appellent Napoléon IV.

L’homme, un enragé d’activité, mais un peu brouillon, comme tous les trop actifs, et un touche-à-tout tyrannique. Bon enfant, mais un hôte à l’hospitalité à brûle-pourpoint, et quelquefois sans tact, et dur de paroles aux inférieurs… Au physique, l’œil clair, le nez à l’arête sèche, sanguin, sensuel, denté pour mordre au plaisir… et par là-dessous toujours à son affaire, faisant servir tous ceux qu’il reçoit à quelque chose, tirant de ses hôtes une idée, une réclame, une utilité : des plans à l’architecte, un premier-Vichy au littérateur, et plaçant à intérêt tous ses dîners. En somme, pratique en tout, avec la science de la vie et quelques goûts distingués de l’homme moderne, ayant un pantalon de nuance distinguée, un merveilleux chien d’Écosse, un break de Binder, — enfin entouré de cette espèce d’aristocratie des choses, dont les parvenus d’aujourd’hui arri-