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3 octobre. — La maladie effraye la femme du peuple, comme l’orage les bestiaux. L’inconnu du mal qui vient à elle, l’hébête. Ainsi que les enfants, les femmes du peuple disent au médecin, qu’elles souffrent de partout.

Dimanche 7 octobre. — Saint-Gratien.

Avant dîner, dans la chambre d’Eugène Giraud, pendant qu’on se chausse, qu’on se lave les mains, qu’on passe l’habit de circonstance, qu’on fume une cigarette, Charles Giraud raconte qu’à Taïti, les femmes ont l’habitude de s’oindre le corps d’une certaine préparation jaune qui leur enlève l’apparence solide d’un corps humain, et donne à leur corps, à leur chair, la transparence d’une bougie transparente, en fait des statues étrangement douces à l’œil, presque diaphanes.

Et la description de ces femmes est remplacée, je ne sais par quelle transition, dans la bouche de Penguilly, par les effets du canon. Il se met à conter, comme il sait conter, vous donnant avec son récit lent et détaillé, récit d’officier et de peintre, l’idée d’une veillée de camp, il se met à conter un des derniers coups de canon de 1814.

Une batterie française, aux portes de Paris, avait devant elle du brouillard ; et des formes à peine visibles se montraient, un instant, dans ce brouillard, tiraient et disparaissaient, en se jetant à plat ventre au milieu de broussailles. C’étaient des tirailleurs