Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

— Du moment que, cette fois-ci, deux poètes se présentaient à l’Académie : l’un qui s’appelait Autran, l’autre qui s’appelait Théophile Gautier, et que l’Académie a choisi Autran, ma conviction est qu’elle est composée de crétins, ou de véritables malhonnêtes gens. Je lui laisse le choix.

9 mai. — Quelle diversité d’avenirs, les avenirs de collège ! Quelle loterie des carrières, des fortunes et des noms à la sortie ; ça a quelque chose de semblable aux fusées des bouquets de feux d’artifice, qui, parties ensemble, crèvent presque aussitôt, ou montent, en volant, jusqu’au haut du ciel.

14 mai. — Voici l’intérieur dans lequel, cette semaine, Maria a accouché une femme. En haut du boulevard Magenta, en un campement de baraques que loue aux plus misérables misères de Paris, le roi de la finance, — dans une chambre de ce baraquement aux planches disjointes, au plancher plein de trous, d’où jaillissent, à tous moments, des rats, des rats qui entrent encore, chaque fois, qu’on ouvre la porte, et les rats des pauvres, des rats effrontés, montant sur la table, emportant des michons de pain entiers, mordant parfois les pieds du sommeil en mangeant la couverture du lit ; là-dedans six enfants, les quatre plus grands dans un lit ; et sur leurs pieds qu’ils ne peuvent allonger, dans une caisse, les deux plus