Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/214

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sur les tréteaux jusqu’à une loge, dont la trappe est levée. Presque aussitôt un tigre se décide à entrer, mais l’autre, flairant longuement le plancher et reniflant la prison, buté devant la loge, rappelle l’autre dans la langue qu’ont les animaux entre eux, et tous deux après une terrible passe de leurs formidables pattes, se refusent à sortir, la gueule et l’œil retournés vers le vert du jardin et la liberté du ciel.

On les pousse avec des bourroirs de fer, on les resserre avec des planches passées entre les barres de la cage, et, un moment, ramassés dans un espace où tiennent avec peine leurs deux corps, ils tournoient l’un sur l’autre, souples, élastiques, ondulants, se mêlant et se nouant comme deux serpents.

— Une des curiosités de l’hôtel de la Païva, ce sont les deux coffres-forts au chevet du lit de la maîtresse de la maison, et entre lesquels elle dort : sa fortune, son argent, son or, ses diamants, ses perles, ses émeraudes, à droite et à gauche de son sommeil, de ses rêves et peut-être aussi de ses cauchemars.

— Aubryet ! oh ! Aubryet ! Condamné à vivre avec lui, j’achèterais un revolver, et je lui dirais : « Écoutez, au premier mot de votre part qui ne sera pas simple, je vous brûlerai la cervelle ! »