Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/223

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grisé par la Fortune : « Moi, tous mes désirs sont venus à mes pieds, comme des chiens couchants ! »

Jeudi 18 juin. — Comme nous parlions à Michelet de son livre le Prêtre et la Femme, il nous interrompt vivement : « Ah ! ce livre, je voudrais ne pas l’avoir fait, quoiqu’il m’ait valu… » et le vieillard battu de ses grands cheveux blancs, ne finissant pas sa phrase, tourne vers sa femme des yeux jeunes d’un remerciement d’amour.

Mme Michelet reprend : « Oui, il a rendu le directeur trop intéressant, il a fait de la confession un roman, et beaucoup de femmes, après avoir lu un passage du livre qu’elle cite, se sont confessées… Moi, c’est le contraire… Je l’ai lu toute jeune, et depuis cela, j’ai toujours détesté les prêtres !

— Oh ! c’est le malheur des œuvres artistes ! disons-nous.

— Non, non, répète Michelet, Voltaire n’eût pas écrit ce livre-là… Ce n’était pas sa polémique… Un fait bien curieux… Un jeune homme est condamné à trois mois de prison dans le Midi, pour délit de presse… Il est maladif, il obtient de faire sa prison à l’hôpital… Les sœurs, qui soignent tout le monde, se mettent à le soigner, à lui demander s’il ne s’ennuie pas, s’il veut des livres.

— Mais quels livres, mes sœurs !

— Eh bien ! nous avons le Prêtre et la Femme, de M. Michelet.