Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/231

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kiosque, Théo reprend : « Au fond il y a un grand mystère autour de moi… Je suis aimé, sympathique. Je plais généralement. Je n’ai pas d’ennemis. J’ai un talent qui est reconnu… Eh bien ! voulez-vous me dire comment il se fait que tout ce que les autres obtiennent, moi c’est impossible !… On me dit que je ne demande pas… Ce n’est pas ça… Il y a quelque chose dont je ne me rends pas compte… Tenez, n’est-ce pas, je vous parle de cela, d’une façon toute théorique… tenez comme exemple : Sacy, qu’est-ce qu’il a fait pour être du Sénat ?… Et Mérimée ?… J’ai bien autant de talent que lui, n’est-ce pas ?… L’Académie, vous avez vu, c’est la même chose. Une place, est-ce qu’ils ont jamais songé à me donner une place… Dans leurs musées, c’est la même chose. J’ai pourtant écrit sur l’art… Pourquoi ?… Est-ce que vous savez pourquoi ? »

Puis il parle haschich, visions, excitations cérébrales à la mode en 1830, nous raconte qu’il a écrit Militona, en dix jours, grâce à des granules, pris en deux doses de cinq, le soir et le matin, et qui lui donnèrent une merveilleuse lucidité.

31 juillet. — Barre, le sculpteur, fait, en ce moment, une statuette demi-nature de la princesse. Il lui a demandé de se laisser mouler les deux mains dans la pose, pour en donner une plus réelle et vivante image. On est réuni dans cet atelier rustique du parc, ancienne chapelle qui a gardé son autel, et