Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/240

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par Hostein, directeur du Châtelet, qui nous demande la Patrie en danger pour son théâtre. Il nous écrit qu’il la reçoit sur notre nom, sans la lire, et nous donne rendez-vous pour lundi, afin de distribuer immédiatement les rôles. L’aventure est si bizarre qu’elle nous semble extravagante, et nous ne croyons guère à la réussite de la chose.

31 août. — C’est aujourd’hui que Hostein doit nous communiquer ses impressions personnelles.

On nous fait vaguer par ce labyrinthe et ces obscurités, qui semblent garder, dans le dédale embrouillé du grand théâtre, le directeur contre les créanciers et les manuscrits. Il nous fait un peu attendre et paraît, nos cinq actes à la main, et passant ses mains dans son toupet d’homme d’affaires, et s’asseyant à la marche d’une estrade, qui est comme la marche de l’autel du drame, dominé par les Mousquetaires de Dumas père, en galvanoplastie, il nous dit :

« Je vous ai lu avec beaucoup d’attention… Je vous ai reçus, aussi, soyez tranquilles, c’est convenu… J’ai voulu vous épargner l’émotion… Ma première impression est que la censure ne laissera jamais passer la pièce… Maintenant, vous me permettrez de vous parler au point de vue de mon théâtre… Il n’y a pas de drame dans vos cinq actes… il n’y a pas d’intérêt… C’est la Révolution dans les salons… Ça manque de mouvement… Non, tenez, mon public, il lui faut… il faut, à un moment, qu’il y ait un traître qui enjambe