Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/266

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ne nous joue quelque tour…” C’est lui qui a écrit à Nefftzer… il y a de son ami d’Alton-Shée dans tout cela. » Et avec une parole d’amertume sifflante : « Il m’écrivait, au Jour de l’an, que tout le confortable et le bien-être qui entouraient sa maladie, il me les devait… Non, on ne se conduit pas comme ça. »

Et elle suffoque, elle étouffe, elle se bat la gorge avec le haut de sa robe brodée, qu’elle agite à deux mains, et des larmes, qu’elle dévore, lui montent dans la voix, que l’émotion étrangle par moments.

« Enfin, je ne parle pas de la princesse ! mais la femme, la femme ! » — et me secouant par mes revers d’habit, comme pour m’enfoncer son indignation et m’en remuer la poitrine : « Voyons Goncourt, n’est-ce pas, c’est indigne ? » Et ses yeux, pleins de la colère de son cœur, me fouillaient les yeux.

Elle fait quelques pas sur le tapis, agitant derrière elle la grande traîne de sa robe de soie blanche, et revient à moi : « La femme !… J’ai été dîner chez lui… Je me suis assise sur la chaise où avait passé Mme ***… Du reste, je lui ai dit chez lui : “Mais votre maison est une maison de coquines, un mauvais lieu, et j’y suis venue pour vous…” Oh ! j’ai été dure ! Je lui ai dit encore : “Qu’êtes-vous ? Un vieillard impotent. Vous ne pouvez pas seulement vous servir dans vos besoins… Mais quelles ambitions pouvez-vous donc avoir encore ?… Tenez j’aurais voulu que vous fussiez mort, l’année dernière, vous m’auriez laissé au moins la mémoire et le souvenir d’un ami !”