Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/283

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ne serait pas pieuse et pas honnête : « Mon cher Henry, c’est à vous à éveiller les petits sens de votre femme ! »

Mardi 2 mars. — Nous allons, avant Magny, chez Sainte-Beuve. Il descend de la chambre, où il est en train de se sonder, et il commence à nous parler de notre roman, qu’il s’est fait lire dans l’intervalle de son travail, — comme un homme qui en a à dire long. C’est d’abord une espèce de patelinage, et des mots qui ressemblent à la caresse d’une patte de chat qui va sortir ses griffes, et les égratignures ne tardent pas. Cela arrive menu, menu, à petits coups. Il nous dit donc : que nous voulons, qu’en tout nous voulons trop, que nous allons toujours à l’excès, poussant et forçant nos qualités, qu’il ne nie pas que nos morceaux, avec la voix d’un très bon lecteur, peuvent être un agrément dans un certain décor… « Mais les livres sont faits pour être lus… fait-il, d’une voix grinchue, et lus par tous !… Mon Dieu, on les donnera peut-être plus tard comme des morceaux de style dans les excerpta, mais moi, je ne sais pas, ce n’est plus de la littérature, c’est de la musique, c’est de la peinture… Vous voulez rendre des choses !… » Et il s’anime : « Tenez, Rousseau… Eh bien, il avait déjà trouvé un procédé exagéré… Est venu après lui Bernardin de Saint-Pierre, qui l’a poussé plus loin… Chateaubriand, Dieu sait… Hugo ! » et il fait la grimace qu’il fait toujours à ce nom-là : « Enfin