Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/293

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ce grand et écrasant Paris, une espèce de gêne remuante, une inquiétude timide et agitée, qui la fait se jeter, à tout moment, à la vitre, qu’elle a derrière la tête. Comme une chèvre qui se frotte à du bois, ou comme si elle avait encore dans sa chemise des puces de son pays, elle ne cesse de remonter contre le dossier de la voiture, ses reins déjà mous et lascifs, et tout prêts à se plier à l’avachissement d’une traînée de la grande ville.

Distraite, tantôt soucieuse, tantôt effarée, elle se mordille un ongle, se marmotte tout bas des choses, longuement bâille de fatigue.

— Les gens de l’opposition, quand on les condamne à un peu de martyre, sont étonnés à la façon des gamins qui sonnent le soir aux sonnettes des maisons, et d’une desquelles, soudain, jaillit un concierge, qui leur allonge un rien les oreilles.

3 avril. — Cour d’assises. Affaire Firon. Assassinat de la rue Monthabor.

En entrant, nous avons devant nous le profil perdu de l’accusé, à la pommette saillante qui fait une ombre sur sa joue. Il répond à l’interrogatoire avec un balancement perpétuel, les mains croisées derrière le dos, à croire qu’elles sont liées, — et comme si l’homme était déjà bouclé pour la guillotine.

À la représentation du couteau de cuisine qui a