Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/309

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chenu est toujours jeune, vivace d’esprit, et encore tout jaillissant de paroles colorées, d’idées originales, de paradoxes de génie.

Nous parlons du livre de Hugo. Il professe que le roman est la construction à grand effort d’un miracle, le contraire absolu de ce que fait la science historique, la grande défaiseuse de miracles. Et à propos de cette théorie, par un de ces zigzags qui lui sont familiers, il cite Jeanne d’Arc qui n’est plus un miracle depuis qu’il a fait voir toute la faiblesse et l’insuffisance de l’armée anglaise, opposée à la concentration et au rassemblement de toutes les forces françaises.

Revenant à Hugo, il nous dit qu’il se le représente, non comme un Titan, mais comme un Vulcain, un puissant gnome, qui battrait du fer dans de grandes forges… au fond des entrailles de la terre… Hugo ! avant, tout un machinateur et un amoureux de monstres. Notre-Dame de Paris avec Quasimodo… l’Homme qui rit, toujours la réussite à coups de monstres… Même dans les Travailleurs de la mer, tout l’intérêt de son roman est le poulpe… Hugo, continue-t-il, a une force, une très grande force, fouettée, surexcitée… la force d’un homme, toujours marchant dans le vent, et prenant deux bains de mer par jour[1].

Puis il nous parle de la difficulté de faire du ro-

  1. Voilà de la critique, de la haute critique faite par un homme qui n’est pas critique, et que n’a jamais trouvée Sainte-Beuve.