Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/337

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Je pense à ce dernier paragraphe du livre de Gavarni, qu’un matin, à Trouville, il vint me lire, pendant que j’étais encore au lit.

Ce paragraphe, il l’avait composé dans l’insomnie de la nuit. Je ne peux dire la profonde tristesse dans laquelle je tombai, quand il me déclama, avec une solennité recueillie, ce petit morceau sur lequel nous ne nous étions pas concertés, et qui ne devait être fait que plus tard. Je sentis qu’en pleurant Gavarni, il se pleurait lui-même, et la phrase : il dort à côté de nous au cimetière d’Auteuil, devint, sans que je puisse me l’expliquer, le souvenir fixe, et pour ainsi dire, bourdonnant de ma mémoire.

Pour la première fois, j’eus l’idée que je n’avais jamais eue jusqu’alors, j’eus l’idée qu’il pouvait mourir.

Février. — Aujourd’hui, il s’est trouvé bien, merveilleusement bien, et lui qui était autrefois la volonté de nous deux, et qu’on a aujourd’hui tant de peine à décider à vouloir quelque chose, m’a étonné, en me demandant à aller à la Cascade.

Le temps était beau, et les petites allées étaient pleines d’hommes et de femmes, à l’air heureux de gens qui sortent de l’hiver et respirent le printemps.

Il allait, il marchait, la tête relevée de dessus cette épaule, où elle penche fatiguée ; il allait gai, avec