Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/343

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minute, il se tourmente de maux imaginaires, regardant la rougeur ou la blancheur produite par un pli de sa chemise sur sa peau, avec une physionomie douloureuse d’effroi.

Ce qu’il y a d’affreux dans ces abominables maladies de l’intelligence, c’est qu’elles ne touchent pas seulement à l’intelligence, mais qu’elles détruisent souterrainement, et à la longue, chez l’être aimant qu’elles frappent, la sensibilité, la tendresse, l’attachement, c’est qu’elles suppriment le cœur… Cette douce amitié qui était le gros lot de notre vie, de mon bonheur, je ne la trouve plus, je ne la rencontre plus… Non, je ne me sens plus aimé par lui, et c’est le plus grand supplice que je puisse éprouver, et que tout ce que je peux me dire, n’adoucit en rien.

Une obsession depuis quelques jours, une tentation que je ne veux pas écrire ici… Si je ne l’aimais pas trop, ou peut-être pas assez pour cela…

Quelque chose d’irritant, c’est son obstination sourde, hostile contre tout ce qui est raisonnement. Il semble que son esprit, dans lequel s’est brisée la chaîne des idées, ait pris la logique en haine. Quand on lui parle raison, on a beau y mettre toute l’affection possible, on ne peut jamais obtenir de lui une