Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/365

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et là, et par place, comme de la vie sur son visage… C’est bizarre, cette nuit, la première nuit qui suit sa mort, je ne me sens pas le désespoir de ces derniers jours, je ne me sens pas le déchirement auquel je m’attendais. Il monte en moi un apaisement doux et triste, produit par la pensée de le voir délivré de la vie. Mais attendons à demain.

En me relevant ce matin de mon lit, où j’ai dormi quelques heures, je le trouve gardant son expression d’hier, mais sous la coloration jaune d’une cire exposée à la chaleur. Je me dépêche, je me hâte de mettre en moi ce visage adoré… Je n’ai plus bien longtemps à le voir… J’entends, cognant contre l’escalier, des ferrements… le bruit métallique des poignées de la bière, qu’on s’est pressé d’apporter, à cause des grandes chaleurs.

Ce nom, ce nom de Jules de Goncourt, lu si souvent, accolé au mien, sur le papier du livre et du journal, je le lis aujourd’hui sur la plaque de cuivre incrustée dans le chêne des cimetières.

En chemin de fer, — c’était la première fois que nous allions à Vichy, — il souffrait, ce jour-là, du foie, et dormait en face de moi, la tête renversée. Une seconde, sur son visage de vivant, j’entrevis son visage