Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/366

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de mort. Depuis ce jour, toutes les fois qu’il était plus malade, que l’inquiétude me prenait, cette vision, je la retrouvais, les yeux fermés.

Allons, c’est Pélagie qui le dit : « Il faut manger pour avoir des forces demain, pour la rude journée de demain. »

Devant le cadavre de celui qui m’aima tant, de celui pour lequel il n’y avait de bien et de bon, que ce qui avait été fait ou dit par Edmond, je me sens travaillé de remords pour mes gronderies, mes duretés, pour tout ce cruel et intelligent système, à l’aide duquel je croyais le relever de son atonie, et lui redonner de la volonté… Ah ! si j’avais su ! comme je lui aurais tout caché, tout voilé, tout adouci, et comme je me serais appliqué à faire de la fin de sa vie, ce qu’aurait su en faire l’imagination d’une affection de mère — toute bête.

Il me revient ces tristes paroles qui étaient souvent toute notre conversation :

— Qu’as-tu ?

— Je suis découragé !

— Pourquoi ?

— Je ne sais pas !

Que si, il le savait et le savait bien… L’avant-veille