Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/368

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J’ai comme une perte absolue de la mémoire… Je reçois avec l’amical et tendre article de Banville, une lettre d’Angleterre, datée du jour de sa mort, et dans laquelle un éditeur de là-bas nous demande à faire une traduction de l’Histoire de Marie-Antoinette. Il aurait eu un petit bonheur de cela.

Mercredi 22 juin. — Il fait un temps magnifique. Le soleil entre, à pleins rayons, par la fenêtre ouverte et joue sur sa bière, et dans les fleurs du gros bouquet placé à sa tête. Au milieu de ces fleurs est une fleur de magnolia, dont il regardait grossir le bouton avec un certain plaisir curieux, et qui lui faisait rappeler le magnolia aimé de Chateaubriand, à la Vallée-aux-Loups.

Il y a dans la chambre le désordre d’un départ… La seconde, le quart de seconde, l’éclair de temps, pendant lequel la réflexion est en retard, j’ai eu l’idée — son cercueil étant là — que Jules était allé chercher la voiture qui nous emmène, tous les ans, à Bar-sur-Seine.

Mes yeux vont, dans la petite chambre, à toutes les choses familières et d’habitude, auxquelles son sommeil disait bonsoir, auxquelles son réveil disait bonjour. Je regarde les rideaux de son lit, les anciennes