Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/369

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portières du salon de la rue Saint-Georges, dans le rose desquelles j’ai fait, il y a bien des années, un portrait-aquarelle du cher enfant. Je regarde le grand dessin de femme de Vanloo, provenant de la vente Boilly, qu’il vint acheter avec moi, la dernière fois que nous mîmes les pieds aux Commissaires-Priseurs. Je regarde la grande table à modèle, sur laquelle nous avons si longtemps travaillé ensemble, et qui est encore tachée de l’encre du livre sur Gavarni.

M’interrogeant longuement, j’ai la conviction qu’il est mort du travail de la forme, à la peine du style. Je me rappelle maintenant, après les heures sans repos passées au remaniement, à la correction d’un morceau, après ces efforts et ces dépenses de cervelle, vers une perfection, cherchant à faire rendre à la langue française tout ce qu’elle pouvait rendre, et au delà… après ces luttes obstinées, entêtées, où parfois entrait le dépit, la colère de l’impuissance ; je me rappelle aujourd’hui l’étrange et infinie prostration, avec laquelle il se laissait tomber sur un divan, et la fumerie à la fois silencieuse et accablée, qui suivait.

9 heures. — Voici le bruit des cloches de l’église.

Il faut songer à des choses de la vie courante, à des envois de lettres.