Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/86

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« Et encore, je vous dis, un reste de sauvage. À propos de la princesse de Hesse, fille adultérine, épousée par un de ses fils, il me jeta dans l’oreille : “Après tout, c’est le cochon qui anoblit la truie !” »

« Un jour la grande-duchesse m’apprenait qu’il était en colère, parce qu’il avait lu dans Custine qu’il avait pris du ventre. Elle se trompait ? Lorsqu’il arriva chez moi, il me dit : “Vous ne me demandez pas pourquoi je suis de mauvaise humeur.” Alors il se mit à me raconter qu’il venait de passer une revue. C’était en hiver et il avait vu, par un froid de tous les diables, le colonel, après la revue, faire mettre sur le dos de ses soldats leurs culottes, pour les économiser !… Tout ce qu’il y a de plus galant au fond, il avait la singulière habitude d’embrasser sur le cou, sur l’épaule, toutes les jolies femmes qu’il voyait… Oui, très amoureux d’actrices… Après ça, il avait une si vieille Impératrice, branlant de la tête… Son dernier amour fut une demoiselle d’honneur qui refusa l’argent qu’il lui avait laissé dans son testament, et s’enferma près de son tombeau, après sa mort.

« Pour moi, il a été excessivement paternel. Il était très épris de l’idée de l’émancipation de la Sibérie, répétant que cette émancipation serait un événement curieux de l’histoire, faite au nom d’une Napoléon.

« … Quant à M. Demidoff, il ne voulait pas même prononcer son nom et ne l’a jamais prononcé. Il tombait chez nous à des dîners, sans gardes, sans escorte, des dîners terribles où il ne le regardait