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mèches rameneuses collées et plaquées sur une énorme loupe, de gros yeux bleus de faïence, deux lippes pour lèvres, une respiration de soufflet, des favoris buissonneux, des traits stupides et béats. C’est le Hollandais Gika, le marchand de perles, et ce sont des colliers, des unions, des fils aux éclairs argentés, des perles grosses comme des noisettes, deux boutons de 14 000, une perle de 21 000 francs, tout un doux et laiteux ruissellement qu’il remue sous les yeux de la princesse, dont les perles sont la passion, et qui succombe et finit par se donner une perle de 8 000 francs.

Ce soir la princesse nous fait des adieux affectueux, ajoutant avec un aimable sourire qu’elle nous aime beaucoup, quoique nous la contredisions toujours.

Lundi 22 octobre. — Dîner Magny.

Tout de suite aujourd’hui la conversation s’élève aux hypothèses de la population des planètes. Comme un ballon à demi gonflé, la conversation tâtonne l’infini, et de l’infini est amenée naturellement à Dieu. Les formules pleuvent pour le définir. Contre nous, plastiques et latins, qui ne concevons Dieu, s’il existe, que comme un vieillard à figure humaine, un bon Dieu à la Michel-Ange avec une grande barbe, Taine, Renan, Berthelot, opposent des définitions hegeliennes, montrant Dieu dans une diffusion immense et vague, dont les mondes ne seraient que des globules, des atomes.