Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/94

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nourrice d’Edmond), qui venait les chercher tous deux, les dimanches, et qui trouvait presque toujours Edmond en retenue, l’emmenait promener une ou deux heures, dans les terrains vagues de Montmartre, et lorsqu’elle rentrait et trouvait notre père furieux du retard du déjeuner, elle disait : « C’est Mademoiselle qui ne finit pas de s’habiller ! » et ma cousine avait la gentillesse de ne pas la démentir.

Son mari est un grand propriétaire terrien, qui depuis des années nous promène, avec toutes sortes de complaisances et de la bonne gaîté, à travers ses bois, ses champs, ses fermes.

Ma cousine a une fille, une Parisienne très élégante, et qui a la réputation d’être une des femmes de la capitale qui se mettent le mieux, puis, un garçonnet que j’aime de tout mon cœur, mais un type complet de ce temps, un garçon qui blague tout, avec des facéties du Palais-Royal… Ah ! celui-là n’a pas la vénération, fichtre ! Il jette son chapeau dans les portraits de nos vieux parents et fait des bosses aux toiles de nos ancêtres. À ChaillotVa t’asseoir… tout le répertoire de Thérésa, toutes les cascades des Bouffes, les rengaines et les refrains du bas théâtre de nos jours, lui sortent de la bouche.

Ce soir il a empoigné l’antiquité, et blasphémé toutes ses études. La Grèce, oïe oh oïe ! un Bicêtre… Alexandre, un épateur !… Christophe Colomb, il a été devant lui, j’en ferais autant… Annibal, la bonne charge, Annibal qui a coupé les Alpes avec du vinai-