Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/98

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affluant au visage et nous bourdonnant aux tempes ; et tantôt au bord de la rivière, allant à pas glissés derrière le balancement d’épaules d’un jeteur d’épervier ; et tantôt fourrant les mains dans le sang tiède et la curée chaude d’un chevreuil : — un mois où nous tâchons de nous redonner de la santé bestiale de la campagne.

3 décembre. — Nous partons de Bar-sur-Seine. Il y a à quitter une maison, où on a été paresseux et heureux, l’espèce d’effort qu’on éprouve à se lever d’un bon fauteuil ; et puis au fond, on a toujours une certaine terreur de l’inconnu qui est dans la vie devant vous et auquel on va.

5 décembre. — Nous avons la visite de Rops qui doit illustrer la Lorette. Un bonhomme brun, les cheveux rebroussés et un peu crépus, de petites moustaches noires en forme de pinceaux, un foulard de soie blanche autour du cou, une tête où il y a du duelliste de Henri II et de l’Espagnol des Flandres. Une parole vive, ardente, précipitée, où l’accent flamand a mis un ra vibrant.

Il nous parle de cet ahurissement que produisit sur lui, sortant de son pays, le harnachement, le travestissement, l’habillement presque fantastique de la Parisienne, qui lui apparut comme une femme d’une autre planète. Il nous parle longuement du moderne