Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/130

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des blanchisseurs de Boulogne, de Neuilly, etc., et encore à la suite de la réquisition de la potasse et des autres matières par le gouvernement, pour la confection de la poudre.

Je vais faire visite à Victor Hugo, pour le remercier de la sympathique lettre, que l’illustre maître a bien voulu m’écrire, lors de la mort de mon frère.

C’est à l’avenue Frochot — chez Meurice, je crois. On me fait attendre dans une salle à manger, où sont les restes d’un déjeuner, servi dans un bric-à-brac de verreries et de porcelaines.

Je suis introduit dans un petit salon, au plafond et aux murs recouverts de vieilles tapisseries. Il y a deux femmes en noir, au coin de la cheminée, dont on voit vaguement les traits à contre-jour. Autour du poète, à demi couchés sur un divan, des amis, parmi lesquels je reconnais Vacquerie. Dans un coin, le gras fils de Victor Hugo, en costume de garde national, fait jouer sur un tabouret, avec des dames, un petit enfant, aux cheveux blonds, à la ceinture rouge.

Hugo, après m’avoir donné la main, est venu se replacer devant la cheminée. Dans la pénombre de l’antiquaillerie meublante, sous ce jour d’automne, assombri par la vétusté des couleurs des murs, et tout bleuissant de la fumée des cigares, au milieu de ce décor d’un autre temps, où tout est un peu effacé, incertain, les choses comme les figures, la tête d’Hugo, en pleine lumière, se trouve dans son cadre, et a grand air. Il est dans ses cheveux, de belles mèches blanches révoltées, comme il y en a sur la