Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tête des prophètes de Michel-Ange, et sur sa figure une placidité singulière, une placidité presque extatique. Oui, de l’extatisme, mais où, de temps en temps, il y a des éveils, presque aussitôt éteints, d’un œil noir, noir, noir.

Comme je lui demande s’il se retrouve, à Paris, il me dit à peu près ceci : « Oui, j’aime le Paris actuel, je n’aurais pas voulu voir le bois de Boulogne, dans son temps de voitures, de calèches, de landaus, il me plaît maintenant qu’il est une fondrière, une ruine… c’est beau, c’est grand ! Ne croyez pas cependant que je condamne tout ce qui a été fait à Paris. Je suis le premier à reconnaître l’intelligente restauration de Notre-Dame-de-Paris, de la Sainte-Chapelle, et incontestablement on a élevé de belles maisons neuves… » Et sur ce que je lui dis, que le Parisien se trouve dépaysé dans ce Paris qui n’est plus parisien, il me répond : « Oui, c’est vrai, c’est un Paris anglaisé, mais qui possède, Dieu merci, pour ne pas ressembler à Londres, deux choses : la beauté comparative de son climat, et l’absence du charbon de terre. Pour moi, quant à mon goût personnel, je suis comme vous, j’aime mieux nos vieilles rues… » Quelqu’un ayant prononcé le mot de « grandes artères ». « C’est vrai, jette-t-il au divan, ce gouvernement n’avait rien fait pour la défense contre les étrangers, tout avait été fait pour la défense contre la population ! »

Hugo vient s’asseoir à côté de moi, et m’entretient de mes livres, qu’il veut bien me dire avoir été des