Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/132

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distractions de son exil. Il ajoute : « Vous avez créé des types, c’est une puissance que n’ont pas toujours les gens de très grand talent ! » Puis, me parlant de mon isolement sur cette terre, qu’il compare au sien, lorsqu’il était là-bas, il me prêche le travail pour y échapper, me berce d’une espèce de collaboration avec celui qui n’est plus, finissant par cette phrase : « Pour moi, je crois à la présence des morts, je les appelle les invisibles. »

Dans le salon, le découragement est complet. Même ceux qui envoient des articles de vaillance au Rappel, avouent tout haut leur peu de confiance dans la possibilité de la défense. Hugo dit : « Nous nous relèverons un jour. Nous ne devons pas périr. Le monde ne peut subir l’abominable germanisme. Il y aura une revanche dans quatre ou cinq ans ! »

Victor Hugo, dans cette visite, se montre aimable, simple, bonhomme, pas le moins du monde grandiloque ou sibyllin. Sa grande personnalité ne se fait sentir que dans de délicats sous-entendus, comme lorsqu’il parle des embellissements de Paris, et qu’il cite Notre-Dame. On lui est reconnaissant de sa politesse, un peu froide, un peu hautaine, mais qu’on aime à rencontrer dans ce temps d’effusions banales, où les grandes célébrités vous reçoivent, à la première entrevue, avec un : « Tiens, c’est toi, ma vieille ! »

La curieuse transformation des commerces du moment… Les chapeliers tentent le collectionneur militaire, avec le casque classique prussien, dit para-