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lumé, et passe, à une espèce de monsieur en chapeau à haute forme, un fer qu’il tire du feu, et que celui-ci applique sur la fesse du cheval, toute fumante. Alors un autre homme en bonnet de laine, aux grandes bottes à entonnoir, un paletot passé sur sa blouse, fait très artistiquement, avec de grands ciseaux, deux ou trois tailles dans le poil du poitrail : des marques symboliques.

Après quoi, c’est de la viande de boucherie, qui a reçu son passeport pour l’abattoir.

Mardi 29 novembre. — La viande salée, délivrée par le gouvernement, est indessalable, immangeable. J’en suis réduit à couper le cou à une de mes dernières petites poules, avec un sabre japonais. Ça a été abominable, cette pauvre petite poule voletant, un moment, dans le jardin, sans tête.

Aujourd’hui, c’est chez tous un recueillement concentré. Dans les voitures publiques, personne ne parle, tout le monde s’enferme en lui-même, et les femmes du peuple ont comme un regard d’aveugle, pour ce qui se passe autour d’elles.

La Seine est couverte de mouches qui chauffent, pavoisées du drapeau des ambulances, et toutes prêtes à aller chercher des blessés.

Au Champ-de-Mars, défilent de petites voitures de l’ambulance de l’armée, précédées d’une ligne interminable de mulets, chargés de l’attirail de campagne. D’autres voitures d’ambulance descendent