Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/158

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au pas la barrière d’Italie, cortégées de femmes, parmi lesquelles il en est qui parfois se hasardent à ouvrir la portière du fond, pour regarder les blessés.

L’angoisse de l’attente est dans les rues. Il y a des groupes qui stationnent sur les places. Tout homme qui parle, tout homme dont on espère un renseignement est entouré, et avec la nuit tombante, les groupes deviennent énormes, débordant les trottoirs, les refuges, et coulant sur la chaussée.

Chez Brébant, on cause de la misère noire, dans laquelle sont tombés soudainement des gens qui avaient hier l’aisance de la vie. Charles Edmond raconte que sa femme, se trouvant chez leur boucher, avait vu une femme proprement vêtue, vêtue comme une femme de la société, entrer et demander un sou de râclures de cheval. Et Mme Charles Edmond lui ayant mis une pièce blanche dans la main, la femme, comme remerciement, s’était mise à fondre en larmes.

On parle ensuite de la surexcitation nerveuse de la femme, de l’affolement produit par les événements, de la crainte que l’on a d’avoir à réprimer des émeutes de femmes.

Puis les menaces de l’avenir amènent la conversation sur l’exil, qui pourrait être le lot de beaucoup de dîneurs d’ici.

Et cette perspective fait dire aux uns que l’exil, c’est la condamnation à mort, ainsi que le comprenaient les Romains, fait dire au cosmopolite Nefftzer que l’exil n’existe pas.