Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/184

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parlez-vous ? Est-ce de la langue de Massillon ? de la langue de Saint-Simon ? de la langue de Bossuet ? Est-ce de la langue de Mme de Sévigné ? est-ce de la langue de La Bruyère ? Les langues de ce siècle sont si diverses et si contraires.

Moi je lui jette : « Tout très grand écrivain de tous les temps ne se reconnaît absolument qu’à cela, c’est qu’il a une langue personnelle, une langue dont chaque page, chaque ligne est signée, pour le lecteur lettré, comme si son nom était au bas de cette page, de cette ligne, et avec votre théorie vous condamnez le XIXe siècle, et les siècles qui vont suivre, à n’avoir plus de grands écrivains. »

Renan se dérobe, ainsi qu’il en a l’habitude dans les discussions, se rejette sur l’éloge de l’Université, qui a refait le style, qui, selon son expression, a opéré le castoiement de la langue, gâtée par la Restauration, déclarant que Chateaubriand écrit mal.

Des cris, des vociférations enterrent cette phrase bourgeoise du critique, qui trouve un bon écrivain dans le père Mainbourg, et déclare détestable la prose des Mémoires d’outre-tombe.

Renan revient de Chateaubriand à son idée fixe, que le vocabulaire du XVIIe siècle contient toutes les expressions dont on a besoin en ce temps, les expressions même de la politique, et il se propose de faire, pour la Revue des Deux Mondes, un article dont il veut tirer tous les vocables du cardinal de Retz, attardant longtemps sa pensée et sa parole autour de cette misérable chinoiserie.