Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

Le monument de nos victoires, illuminé de soleil, la canonnade lointaine, le défilé immense, dont les dernières baïonnettes jetaient des éclairs sous l’obélisque : c’était quelque chose de théâtral, de lyrique, d’épique.

Un grand et fier spectacle que cette armée, allant à ce canon qu’on entendait, et ayant, au milieu d’elle, des pékins en barbe blanche qui étaient des pères, des figures imberbes qui étaient des fils, et encore, dans les rangs entr’ouverts, des femmes portant le chassepot de leurs maris.

Et l’on ne peut dire le pittoresque que prenait la guerre, de cette multitude citoyenne, convoyée de fiacres, d’omnibus non encore peints, de fourgons à transporter les pianos d’Érard, transformés en voitures d’intendance militaire.

Il y avait bien quelques pochards, quelques chants de gobichonneurs, détonnant un peu avec l’hymne national, et toujours un peu de cette gaminerie, dont l’héroïsme français ne peut se défaire, mais l’ensemble du spectacle était émotionnant et grandiose.

Jeudi 19 janvier. — Paris tout entier, sorti de son chez-soi, se promène dans l’attente des nouvelles. Des rangées de gens à la porte garnie de paille des ambulances. Devant la mairie de la rue Drouot, une foule si pressée que, selon une expression d’un homme du peuple, « on ne pourrait pas y jeter une noisette ». Le gros peintre Marchal, que le siège n’a pas fondu,