Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/212

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empêche, costumé en garde national, les voitures de passer.

De bonnes nouvelles circulent. Arrivent les premiers journaux, annonçant la prise de Montretout. C’est une allégresse. Les gens qui ont pu se procurer des journaux, les lisent aux groupes formés autour d’eux. Le monde va dîner joyeusement, et tout autour de soi, l’on perçoit le bavardage sur les heureux détails du combat d’aujourd’hui.

Je monte chez Burty, chassé par les obus de la rue Watteau, et qui est provisoirement emménagé sur le boulevard, au-dessus de la librairie Lacroix. Vers les quatre heures, il a vu Rochefort qui lui a donné de bonnes nouvelles, avec un mot spirituel. Pendant le brouillard, Trochu se plaignant de ne pas voir ses divisions : « Dieu merci, s’est écrié Rochefort, s’il les voyait, il les rappellerait ! »

D’Hervilly, qui est présent, a toujours son esprit drolatique, et fait un fantastique tableau du pont d’Asnières, traversé, sous un ciel d’automne, couleur vert de Véronèse, par Hyacinthe, dont on ne voyait que le nez vermillonné, et les goulots de deux bouteilles d’eau-de-vie, gonflant ses poches, et qu’il rapportait de sa maison de campagne. Puis il nous conte sa visite au vieux bonhomme de la Mammologie du Jardin des Plantes, dans son cabinet aux oiseaux desséchés et garnis de bandages, et qui passe amoureusement, de temps en temps, la main sur le cou d’un chevreuil empaillé : — un charmant racontar hoffmannesque.

Burty me fait voir un rouleau de peintures japo-