Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/85

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d’un pittoresque à enchanter un Knaus, avec les tables et les bancs dans le bois à peine équarri, les barillets, mis en chantier, sur un tabouret renversé, les cafetières baroques bouillant sur de petits fourneaux de terre cuite, avec le désordre des bouteilles et des pots de grès aux dessins bleus, au-dessus desquels voltigent des têtes de femmes, au teint de brugnon, aux cheveux couleur de chanvre.

Un moment, ce soir, le soleil couchant remplit complètement la baie du pont-levis du Bois de Boulogne, et les êtres et les choses qui passent sur ce carré de feu, s’y détachent d’une manière un peu surnaturelle, comme sur la plaque d’or d’un émail.

Jeudi 6 octobre. — Ce matin, le jour se lève, pour la première fois, dans la brume de l’automne. Il y a de l’hiver aujourd’hui dans le temps. L’on se sent pénétré de la rosée froide, qui mouille les feuilles des arbres. Le réveil des mobiles a lieu sans chansons. Ils font leur toilette sans gaieté, sans bruyance.

De petites voitures de bonneterie, comme on en rencontre parmi les bourgs sauvages de la France la plus reculée, leur offrent des tricots, des bonnets de coton, dans lesquels quelques-uns enfournent leurs oreilles. Ils sont campés tout le long du boulevard Exelmans ; les uns sous les arcades du chemin de fer, les autres dans les déblais du nouveau chemin de fer en construction. Peu à peu, ils secouent leur engourdissement, et, assis sur les traverses du che-