Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

une tempête. Eh bien ! dans cette maison tranquille, pacifique, assoupissante, il s’est transformé ; et à son ronron laborieux, il est devenu peu à peu un autre homme qu’il était.

De la rue Pavée, nous allons chez Flaubert à pied.

Dans la longue course, je cause avec Daudet, en marchant, du roman qu’il est en train de faire, et où il a l’intention de placer incidemment Morny.

Je le dissuade de faire cela. Le Morny qu’il a eu la bonne fortune de connaître, de jauger, doit être à mon sens l’objet d’une étude spéciale, étude où il pourra mettre en scène une des figures qui représentent le mieux le temps. Il se récrie sur les côtés bêtes, bourgeois de la figure. Je lui dis qu’il faut bien se garder de les atténuer, qu’un des caractères de ce siècle, c’est la petitesse des hommes dans la grandeur et la tourmente des choses ; que s’il veut le faire absolument supérieur, il fera un Maxime de Trailles, un de Marsay, il construira enfin une abstraction. Il faut qu’il représente le grand diplomate des secrètes œuvres de l’intérieur, avec ses côtés de brocante et de littérature des Bouffes. Et Daudet trouve le conseil bon.

Chez Flaubert, Tourguéneff nous traduit le Prométhée et nous analyse le Satyre : deux œuvres de la jeunesse de Gœthe, deux imaginations de la plus haute envolée.

Dans cette traduction, où Tourguéneff cherche à nous donner la jeune vie du monde naissant, palpitante dans les phrases, je suis frappé de la familia-