Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/358

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trop à la condamnation prononcée par un président de Cour d’assises.

Au moment, où je m’avançais pour signer sur le registre, le maire me fait signe d’aller à lui. Et le voici, — du reste en homme fort distingué — moitié mécontent, moitié satisfait, à se plaindre à moi, d’avoir fait figurer son frère dans un roman, avec des détails si particuliers, qu’il est impossible, me dit-il, que je ne l’aie pas connu. Le maire est, à ce qu’il paraît, le frère de l’abbé Caron, que j’ai croqué sous le nom de l’abbé Blampoix, dans Renée Mauperin. Je me défends, en lui répondant que, dans mon livre, je n’ai fait aucune personnalité, que j’ai peint un type général — et ce qui est la vérité — que je n’ai jamais vu ni connu l’abbé.

Sur quoi, nous nous quittons très gracieusement.

De là au temple protestant, à la cérémonie religieuse, qu’a bien fallu subir Burty. Ici le ministre a des amabilités non pareilles pour tout le monde. Le marié est de la race héroïque, qui a fait passer d’Angleterre en Amérique, l’indépendance de la foi. Burty est l’homme de bien par excellence. Gambetta va redonner à la France, sous trois mois, la grandeur qu’elle a perdue, et moi, je suis en train d’apprendre aux femmes de ce temps, la grâce de la femme du dix-huitième siècle.

Du temple chez Burty, où dans deux chambres démeublées, Potel et Chabot ont dressé deux tables de douze couverts. Gambetta, à ce déjeuner, apporte une formidable gaîté, et au milieu de rires retentis-