Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/64

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Enfin presque invisiblement descend sur lui, l’enveloppe, et touche à ses attitudes, à ses gestes, à son dire, sans qu’on puisse bien la définir par des mots, la triste humilité particulière à l’enfance des vieillards.

Théo me montre, avec une satisfaction de débutant, la nouvelle édition d’Émaux et Camées, toute fraîche sortie des presses, et où Jacquemart a fait son portrait, en une espèce de poète de l’antiquité. Et comme je lui dis :

— « Mais, Théo, vous ressemblez à Homère, là-dedans ?

— Oh, tout au plus à un Anacréon triste ! » reprend-il.

Mercredi 15 mai. — Aujourd’hui a lieu le mariage d’Estelle, la fille de Théophile Gautier, à l’église de Neuilly, encore toute trouée des éclats d’obus de la Commune.

Au Dominus vobiscum, Théo s’est levé, et a répondu au curé par un beau salut, avec le geste bénisseur d’un grand prêtre de Jupiter…. Un peu de tristesse montait toutefois sur la gaîté artificielle et de commande, à voir au déjeuner la fatigue maladive de Théo. Du reste pour les gens superstitieux, les mauvais présages n’ont pas manqué. On s’est cogné à l’église contre le convoi d’un amiral espagnol, dont la tenture portait un grand G, et la mariée cassait son verre.