Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/144

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l’ai achetée. » Oh ! si je l’avais su, car j’étais décidé à faire des folies à son égard, lorsque j’ai cru qu’elle serait mise en vente.

Jeudi 20 mai. — Rollinat a la plus curieuse, la plus amusante, la plus originale causerie, sur les habitants du Berri. Il devrait bien lâcher le macabre, et écrire un livre de prose, sur ce dont il cause d’une manière si spéciale.

Daudet est tenté de l’idée de tirer un bouquin de ses maux, est tourmenté d’écrire quelque chose sur la souffrance, étudiée sur lui-même. Ce soir, il me parlait des intéressantes pages qu’il écrirait, il lui semble, en racontant ses visites à ses vieux parents, quand il va se faire piquer par son beau-père, peignant son état de souffrance abominable dans la rue, puis l’espèce d’apaisement qui se fait chez lui, pareil à ce qui se passe chez le dentiste, quand la vieille bonne lui ouvre, et qu’il entre dans ce calme intérieur, puis l’état vague, hachiché, dans lequel il revient.

Vendredi 28 mai. — Aujourd’hui, je reçois l’exemplaire de Germinie Lacerteux (Édition des chefs-d’œuvre du roman contemporain). Je ne puis m’empêcher de penser avec tristesse, au plaisir, que cette publication aurait fait à mon pauvre cher frère.