Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/233

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la vérité !… non, mais tant seulement un millionième de vérité, comme c’est difficile à dire, et qu’on vous le fait payer. Tant pis, je l’aime cette vérité, et j’aime à la dire, ainsi que c’est permis de son vivant, à la dose d’un granule homéopathique… et oui, pour cette vérité telle quelle, s’il le faut, je saurais mourir, comme d’autres meurent pour une patrie… Puis vraiment, est-ce que nos illustres, nos académiciens, nos membres de l’Institut se figurent passer à la postérité, comme de petits bons dieux en chambre, sans alliage d’humanité aucune… Allons donc, ces hypocrisies de la convention, tous ces mensonges seront percés un jour, un peu plus tôt, un peu plus tard.

Samedi 29 octobre. — Aujourd’hui, je me trouve si enrhumé, que je n’ose pas aller au cimetière. C’est la première fois que je manque, pendant cette semaine des Morts, à la visite sur la tombe de mon frère.

Mais je passe toute la journée à relire sa maladie et sa mort, écrites, jour par jour, heure par heure, et cette relecture me décide à donner le morceau tout entier, dans le troisième volume de notre Journal, en dépit de la pudeur de convention commandée à la douleur, du cant littéraire infligé au désespoir : c’est vraiment une trop éloquente et une trop réelle monographie de la souffrance humaine.