Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/42

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de vivacité et d’entrain, la voici farfouillant dans les vieux journaux, y cherchant les éléments d’un historique de la pièce, qu’on distribuera dans la salle, quand tout à coup, je viens à parler du Tonkin, d’une batterie d’artillerie qu’on dit perdue, et la voilà lâchant tout, qui se met à fondre en larmes. Elle a son fils avec le général Négrier, et n’en a aucune nouvelle.

Samedi 28 mars. — Exposition de Bastien-Lepage : de la peinture préraphaélique appliquée sur des motifs et des compositions de Millet.

On commence à voir de singulières créatures, dans Paris, des femmes qui ont l’air d’être sorties des livres de Poe, et que je soupçonne d’être des étudiantes russes. Il y avait devant une des toiles de Bastien-Lepage, une de ces femmes à la blancheur chaude, coiffée au haut de la tête, d’un petit toquet d’astrakan, une femme aux traits aigus, émaciés, spiritualisés, au menton de galoche annonçant une résolution entêtée, aux formes d’un jeune éphèbe plutôt que d’une demoiselle, et terminée par une paire de grosses bottines canaille.

Mardi 31 mars. — En traversant le Palais-Royal, je lis au-dessus du café de la Rotonde : Grand café,