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bre, arrivé à Gambetta, s’écrie : « Lui, c’était un président romantique. Oui c’est bien positif, un président n’est un bon président, qu’à la condition qu’il y ait en lui du ténor, de l’hercule, du saltimbanque. Vous vous rendez bien compte, ajoute-t-il en me jetant un regard, que je ne parle en ce moment que de ce que j’ai vu. »

Un dîner tout plein de quasi-ministres. J’ai en face de moi Spuller, qui l’a été, ministre, cinquante et une heures, avant la formation du ministère ; j’ai à côté de moi Ribot, qui a encore refusé hier à Brisson de prendre le ministère de l’Instruction publique.

Jeudi 9 avril. — Aujourd’hui à la table de Daudet, la conversation va à la mort et ne la quitte pas de tout le dîner. C’est dans la nouvelle et grande salle à manger, comme un glas funèbre. Daudet commence à parler, presque amoureusement, d’un article du Temps d’hier, où la mort serait, au dire des médecins anglais, une chose douce, une chose voluptueuse parfois, assez semblable à la prise de possession, à l’envahissement d’un corps par les anesthésiques, la morphine, le chloral.

Et Daudet dit qu’il aimerait à peindre cet engourdissement endormant de la douleur dans le plus secret de l’être, décrit joliment le côté enfantin, que ces choses amènent chez l’homme, avoue le besoin qu’il a, lui, de prendre la main de sa femme, dans un